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15 ans et toujours aucune réparation

Malgré plus de dix ans de mobilisation et de bataille juridique, les victimes de l’expulsion n’ont toujours pas obtenu justice et continuent de souffrir des conséquences de cet acte brutal.

Il y a tout juste 15 ans aujourd’hui, la Force de défense du peuple ougandais prenait d’assaut les villages de  Kitemba, Luwunga, Kijunga et Kiryamakobe dans le district de Mubende, expulsant par la force 4000 personnes de leurs terres ancestrales et laissant dans son sillage trois morts, des dizaines de blessés, des maisons détruites et des cultures dévastées. Les terres furent à la plantation de café Kaweri (Kaweri Coffee Plantation Ltd.), une filiale du groupe allemand Neumann Kaffee Gruppe (NKG) dont le siège est à Hambourg. Après plus de dix ans de mobilisation et de bataille juridique, les victimes de l’expulsion n’ont toujours pas obtenu justice et continuent de souffrir des conséquences de cet acte brutal. 

Les conditions de vie lamentables dans lesquelles la communauté s’est retrouvée après l’expulsion (aucun abri ni accès adéquat à l’eau potable, ni soins de santé, pour ne mentionner que cela) ont provoqué une hausse de la mortalité et des maladies. Les taux de pauvreté et de malnutrition, laquelle affecte particulièrement les enfants, les femmes enceintes, les mères allaitantes et les personnes âgées, sont montés en flèche. L’éducation en a aussi fortement pâti, surtout chez les filles et les jeunes femmes. Les coûts de l’éducation primaire et secondaire sont devenus un fardeau insoutenable pour les familles, puisque l’expulsion les ayant privées de tout ce qu’elles avaient. Depuis le 18 août 2001, lorsque la destruction des villages qui a duré quatre jours a commencé, l’abandon scolaire s’est généralisé. 
La cohésion sociale au sein de la communauté s’est fortement érodée, car beaucoup de membres ont dû migrer suite à l’expulsion. Pris entre le marteau et l’enclume, certains des expulsés n’ont eu d’alternative que de travailler dans la plantation Kaweri pour des salaires de misère, leur permettant à peine de survivre. 

Depuis ce jour noir, les expulsés se sont organisés sous le nom de Wake Up and Fight for Your Rights Madudu Group . En 2002, ils ont porté l’affaire devant la Haute Cour de Nakawa and poursuivi le gouvernement ougandais et la plantation Kaweri en justice pour, respectivement, violations et abus de droits humains. Bien que la Haute Cour se soit prononcée en 2013 en faveur des communautés affectées, 396 familles attendent toujours réparation, après 14 ans de procédure juridique. La Cour d’Appel a renvoyé l’affaire à la Haute Cour pour qu’un nouveau procès s’ouvre mais rien n’est sûr à cet égard. 

FIAN International appelle le gouvernement ougandais à respecter les lois ougandaises, dédommager les victimes de l’expulsion et leur rendre leurs droits fonciers, tel que l’a recommandé le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies  l’année dernière. L’Etat ougandais a le devoir de respecter ses obligations relatives aux droits humains, dont celles relatives à la réglementation des activités des entreprises transnationales et autres entreprises. Cela s’applique également à l’Etat allemand, pays hôte de la maison mère, NKG. A cet égard, les deux pays devraient également soutenir le processus d’élaboration du Traité des Nations Unies relatif aux droits humains sur les sociétés transnationales et autres entreprises, en cours depuis juillet 2015.

Pour plus d’information, vous pouvez contacter

G.Falk[at]fian.de  ou

hategekimana[at]fian.org  
Pour des questions média, vous pouvez contacter

delrey[at]fian.org  

 

 


NOTES AUX REDACTEURS

 

 

  • FIAN International soutient les communautés affectées de Mubende depuis 2002. http://www.fian.org/fr/notre-travail/cas/ouganda-mubende/  
  • Les cas d’abus de droits humains par des entreprises transnationales s’étant démultipliés ces dernières décennies, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a adopté la Résolution 26/9 en juin 2014 constituant un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée, chargé de développer un Traité sur les entreprises transnationales et autres entreprises relatif aux droits humains.
  • FIAN International est un membre actif de l’Alliance pour le Traité, qui travaille sur l’élaboration d’un instrument juridique contraignant depuis 2013, date à laquelle elle a publié une première série de revendications, dont l’adoption d’une résolution du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies à la création d’un groupe de travail chargé de développer le traité.