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La Caravane de Matopiba exhorte l’intervention des autorités brésiliennes, et met en garde les investisseurs étrangers

Tout en découvrant les conditions de vie épouvantables des communautés touchées, la délégation souligne l’implication de capitaux internationaux d’Europe, du Canada et des États-Unis dans les acquisitions de terres à grande échelle.

La mission d’établissement des faits qui a récemment visité le Nord-Est du Brésil a conclu sa visite avec une série d’audiences publiques et de rencontres de haut niveau à Bom Jesus, Teresina et Brasilia. La délégation, qui a présenté plusieurs recommandations préliminaires, a exhorté les autorités brésiliennes à prendre des mesures immédiates pour améliorer les conditions de vie des communautés touchées et intervenir pour lutter contre les irrégularités liées à l’établissement des titres fonciers dans la région.

Les complexités derrière l’accaparement de terres

Au cours des douze jours de sa mission d’établissement des faits dans le sud de l’État du Piauí, la délégation a été en mesure d’observer la gravité de la violence structurelle contre les communautés, dont les terres sont saisies par les « grileiros ». Ces derniers dupent des registres fonciers afin falsifier les titres et vendre les terres nouvellement acquises aux entreprises agroalimentaires dans la région. En conséquence, les villageois doivent faire face aux menaces, à la destruction de leurs habitations, à la perte de leurs moyens de subsistance, à la contamination par les pesticides, aux problèmes de santé et à la raréfaction de leurs sources d’eau, ainsi qu’à la perspective d’une action en justice.

Dans toutes les communautés visitées, la délégation a remarqué une absence effarante de l’État. Les villageois-es manquent généralement de services publics tels que les écoles, l’électricité, les infrastructures et les établissements de santé – et sont victimes de discrimination par la police, qui ne les protège pas. Comme l’a souligné un des membres de la délégation Altamiran Ribeiro (CPT-Piauí), l’action de l’État est essentielle pour la survie de ces communautés: « Soit nous soutenons ces communautés, soit elles sont condamnés à mourir ».

Durant les audiences, la délégation a élaboré ces observations et présenté des données supplémentaires. Alors que la plupart des fonctionnaires que la délégation a rencontrés n’ont pas l’intention d’agir, le Médiateur a exprimé un grand intérêt à enquêter sur l’affaire et a l’intention de tenir une audience publique dans la communauté de Santa Filomena en novembre. Pour leur part, les entreprises impliquées ont été invitées à réagir mais aucune n’a participé.

Les fonds de pensions, des acteurs essentiels

La Caravane de Matopiba a également abordé le rôle controversé de capitaux internationaux dans les acquisitions de terres à grande échelle. Depuis la crise financière en 2008, le foncier et l’agroalimentaire sont considérés comme des secteurs relativement sûrs pour investir. Des acteurs importants dans ce domaine sont des fonds de pension, qui sont obligés en vertu de des cadres juridiques nationaux de capitaliser, afin de garantir les paiements des futures retraites. À l’heure actuelle, les fonds de pension investissent plus de 32 milles milliards de dollars dans le monde entier, y compris la région visitée par la mission d’enquête.

Des recherches préalables ont montré que TIAA-CREF, un fonds de pension américain avec un capital d’environ mille milliards de dollars, opère dans la région de Matopiba par l’intermédiaire d’une société appelée Radar. Grâce à une structure complexe, cette société contourne la loi brésilienne qui interdit les investissements étrangers au-dessus d’une certaine limite.

TIAA-CREF reçoit des investissements de fonds de pension entre autres du Canada, de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Suède. Les gouvernements nationaux ne surveillent que les risques financiers de ces investissements, mais ignorent les coûts humains potentiels, alors même qu’ils ont la responsabilité de protéger les droits humains au sein de et au-delà de leurs frontières.

Prochaines étapes

La délégation continuera son enquête au cours des prochains mois pour exposer la nature problématique de ces investissements. À cette fin, une mission  de suivi sera effectuée au début de l’année prochaine en Europe. L’objectif est de faire la lumière sur le rôle des investissements européens dans les acquisitions à grande échelle dans la région de Matopiba, ainsi que l’inaction des États européens sur ce sujet. Il est toutefois très clair cependant que les caisses de retraite doivent cesser d’investir dans la région et que les États doivent règlementer les fonds de pension basés dans leurs pays.

Le responsable ultime pour mettre fin à ces pratiques, qui sont caractéristiques non seulement à la région mais au pays dans son ensemble, est l’État brésilien. À ce propos, la délégation envisage la possibilité de demander une mesure de précaution par la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

Le rapport final de la mission d’établissement des faits sera publié d’ici la fin de l’année 2017.

Vous pouvez accéder aux les recommandations ici.

Pour des questions relatives aux médias, veuillez contacter delrey[at]fian.org

NOTES À LA RÉDACTION:

La mission, organisée par FIAN International et Rede Social de Justiça e Direitos Humanos, FIAN Brésil et la Comissão Pastoral da Terra (CPT) Piauí, bénéficie de la participation de : Action Aid International and Brazil, Aidenvironment; Cáritas Regional do Piauí; CPT Nacional; Escola de Formação Paulo de Tarso (EFPT - PI); Federação dos Agricultores Familiares (FAF); Federação dos Trabalhadores Rurais na Agricultura (FETAG-PI); GRAIN; HEKS/EPER International Institute of Social Studies; La Via Campesina International and CLOC- La Via Campesina, Maryknoll, Paróquia de Santa Filomena, Instituto Comradio do Brasil; Sindicato dos Trabalhadores Rurais de Santa Filomena; Vara e Procuradoria Agrária - PI, PROGEIA (Santa Filomena), ainsi que les sections de FIAN International en Allemagne, Pays-Bas et Suède.