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Les banques publiques de développement doivent arrêter de financer l'agrobusiness

Un sommet mondial réunissant plus de 450 banques publiques de développement (BPD) se réunit demain à Rome pour discuter du rôle de ces puissantes institutions financières dans l'agriculture et l'agrobusiness et pour « agir dans la transformation des systèmes alimentaires ».

Ce sommet suit de près le Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires, présenté à l'origine comme un forum destiné à lutter contre la faim dans le monde, mais détourné par les intérêts des entreprises et utilisé pour présenter de fausses solutions privées motivées uniquement par le profit.

Rien ne permet de penser que le Sommet “Finance in Common” sera différent, notamment parce que le sommet de l'année dernière n'a pas réussi à adopter une approche basée sur les droits humains ou les communautés, mais aussi parce que les banques publiques posent depuis longtemps des problèmes d’impact sur les droits humains.

À la veille du sommet, FIAN International, aux côtés de 280 autres organisations de la société civile et mouvements sociaux, appelle les gouvernements à mettre fin au soutien financier des États aux entreprises agroalimentaires et aux projets qui accaparent les terres, les ressources naturelles et les moyens de subsistance des communautés locales.

Un bilan médiocre

Les BPD sont des institutions financières mandatées, contrôlées et en grande partie financées par les États; elles financent des activités devant contribuer à l'amélioration des conditions de vie des populations, en particulier dans le Sud. Elles représentent plus de 2 billions de dollars par an de financements accordés à des entreprises publiques et privées pour des projets tels que des routes, des centrales électriques ou des plantations agro-industrielles. On estime que 1,4 billion de dollars sont ainsi investis dans le secteur agroalimentaire.

De nombreuses BPD ont des pratiques médiocres en matière de transparence et d'investissements qui profitent aux entreprises agroalimentaires au détriment des agriculteurs.trices, des éleveurs.euses, des pêcheurs, des travailleurs.euses du secteur alimentaire et des populations autochtones, portant ainsi atteinte à leur souveraineté alimentaire, aux écosystèmes et aux droits humains. Par ailleurs, elles ont un lourd héritage d'investissements dans des entreprises impliquées dans des accaparements de terres, la corruption, la violence, la destruction de l'environnement et d'autres violations graves des droits humains.

Leur recours croissant à des fonds de capital-investissement offshore et à des réseaux d'investissement complexes – y compris via des intermédiaires financiers – pour canaliser les investissements rend leur contrôle très difficile, comme l'ont montré les récentes révélations concernant la Société allemande d'investissement et de développement (DEG).

Implication dans des violations les droits humains

DEG, une filiale de la plus grande banque de développement publique allemande Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), fournit des milliards d'euros en financement du développement en Amérique latine, en Asie et en Afrique.

FIAN Allemagne surveille depuis de nombreuses années les violations des droits humains liées aux investissements de ces banques, malgré les nombreux obstacles liés au manque de transparence de ces dernières. Plus de la moitié du financement annuel de la DEG passe par des intermédiaires financiers et d'autres banques et fonds.

Même le gouvernement allemand n'a pas une image claire de la destination de cet argent et de son impact réel. Il est donc pratiquement impossible de forcer les banques à respecter les obligations de l'Allemagne en matière de droits humains. Dans les cas où FIAN a pu identifier des investissements concrets dans des entreprises agroalimentaires, il y avait également des preuves de violations des droits humains.

En Zambie, par exemple, la DEG continue de financer la plus grande entreprise agroalimentaire du pays, Zambeef, à hauteur de dizaines de millions de dollars US, bien que FIAN ait documenté des cas d'expulsions forcées impliquant Zambeef dès 2013. Au Paraguay, la DEG est copropriétaire du deuxième plus grand propriétaire foncier du pays, l’entreprise PAYCO (Paraguay Agricultural Corporation), qui achète des terres à grande échelle, y compris des territoires indigènes habités, pour des projets agro-industriels à grande échelle qui font un usage intensif de pesticides.

« Ces cas illustrent bien les préférences de la DEG en matière d'investissement dans l'agro-industrie à grande échelle, qui exclut de facto un développement équitable, centré sur l’humain et la durabilité et ancré dans le droit à l'alimentation », souligne Roman Herre, chargé de recherche et de plaidoyer chez FIAN Allemagne.

Pas de reddition de comptes

La décision de la banque publique de développement belge (BIO), conjointement avec d'autres BPD européennes et nord-américaines, de soutenir la production d'huile de palme par Feronia PHC en République démocratique du Congo (RDC) – malgré la répression violente des militants des communautés locales – est un autre exemple.

« Bien que les demandes des communautés concernées aient été relayées auprès de la banque, il n'y a pas de réelle voie de recours ou de moyen de demander des comptes BIO », explique Florence Kroff, coordinatrice de FIAN Belgique.

« Avant même la décision de financer ce projet, nous avons interpellé BIO sur les risques de violations des droits humains qu'impliquerait le soutien à cette agro-industrie en RDC. D’autant que l’acquisition de la concession contestée de 100.000 ha de terres date de l’époque coloniale belge », ajoute-t-elle.

« Outre la pollution environnementale et les conditions de travail indécentes dans les plantations, l'argent public belge – mais aussi allemand, français, néerlandais et autres – alimente un climat violent de criminalisation dans la région, qui a déjà conduit à des dizaines d'arrestations et de détentions arbitraires et à la mort de plusieurs activistes défendant leur terre ».

Il est temps de tenir les banques publiques de développement, et les gouvernements qui les contrôlent, responsables des violations des droits humains qu'elles alimentent et de mettre fin à tous les investissements qui ne sont pas ancrés dans le droit à l'alimentation, une approche centrée sur les communautés locales et le développement durable.

FIAN International demande :

    - L'arrêt immédiat du financement des activités des entreprises agroindustrielles et des investissements spéculatifs par les banques publiques de développement.

    - La création de mécanismes de financement entièrement publics et redevables afin de soutenir les efforts des populations pour bâtir la souveraineté alimentaire, faire du droit à l’alimentation une réalité, protéger et restaurer les écosystèmes et faire face à l’urgence climatique.

- La mise en place de mécanismes solides et efficaces qui fournissent aux communautés un accès à la justice en cas d’atteinte aux droits humains ou de dommages sociaux et environnementaux causés par les investissements des BPD.

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