English Version | Ver en español

Guarani et Kaiowá : le tekohá entre à la CIDH

Les leaders Guarani et Kaiowá du Brésil et les organisations qui les soutiennent assisteront à la 159ème session de la Commission interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH) pour défendre leur droit à leur territoire ancestral, ou “tekohá”.

Après avoir surmonté la plus grave crise financière de son histoire , la CIDH tiendra sa prochaine session ordinaire au Panama du 29 novembre au 07 décembre afin de progresser dans ses travaux sur la promotion et la protection des droits humains dans l'hémisphère américaine. Les interventions et la jurisprudence de la CIDH sur les liens entre le droit à un territoire ancestral et l'identité culturelle sont de loin les plus influentes à l'échelle internationale et ont inspiré des développements analogues au sein du système de droits humains africain. Les mouvements de peuples autochtones des Amériques se sont souvent adressés à la CIDH pour poursuivre leurs luttes contre une discrimination historique pluriséculaire.

La CIDH incarne l'espoir pour le droit au Tekohá

La situation de violence et de criminalisation grandissantes que les Guarani et Kaiowá endurent n'est pas neuve pour la CIDH. Le cas a été porté à son attention plusieurs fois  et la Commission a exprimé son inquiétude quant au fait que “l'Etat du Mato Grosso do Sul a le taux le plus élevé d'assassinats de leaders autochtones du pays”. Elle a aussi demandé au Brésil d'adopter des mesures de protection et de mener une enquête détaillée  sur les cas de violence. 

Des leaders Guarani et  Kaiowá (Conseil de l'Aty Guasu), ainsi que des organisations qui les soutiennent, se rendront à Panama City pour assister à la session et participer à une série d'activités de plaidoyer. Ils y défendront leur droit à leurs territoires ancestraux, au sein duquel les ressources de base leur permettant de se nourrir eux-mêmes, une vie digne et l'identité culturelle sont indissociables. Ces aspects sont fondamentaux à la pleine réalisation du droit à l'alimentation et à la nutrition. Dans certaines communautés, plus de 82% des enfants de moins de cinq ans vivent dans des familles qui souffrent d'insécurité alimentaire, soit modérée soit grave, de pénurie alimentaire et de la faim. 

Le  tekohá est l'endroit physique, comprenant la terre, la jungle, les champs, les cours d'eau, les plantes et les remèdes, de développement du mode de vie Guarani et  Kaiowá. Le terme fait référence à la connexion profonde entre l'identité culturelle et le territoire ancestral. Le préfixe teko représente une série de normes et de coutumes de la communauté, le suffixe ha correspond au lieu. Ces deux notions sont interdépendantes. 

Les fronts de lutte

Les  Guarani et Kaiowá luttent pour l'accès à leurs territoires et le contrôle de ces derniers depuis des décennies. Concrètement, la communauté, qui compte 50.000 individus, demande à l’État d'appliquer la démarcation et l'homologation des territoires indigènes, conformément à la Constitution brésilienne (particulièrement les Articles 231 et 232) et au Décret 1775/96, qui promeut la protection des droits humains des peuples autochtones et de l'environnement naturel dans le pays. 

En outre, et malgré des dispositions existantes, le Brésil traverse des processus politiques et juridiques qui peuvent mener à la violation des droits humains autochtones. La proposition d'amendement N°215 de 2000 à la Constitution, connue sous le nom de « PEC 215 », vise le transfert de la démarcation des territoires autochtones du pouvoir législatif au pouvoir exécutif. Ce changement pourrait sembler anodin de prime abord ; or, s'il était approuvé, le droit aux territoires autochtones serait entièrement conditionné par la majorité politique du Parlement, qui privilégie les intérêts de l'agrobusiness et des grands propriétaires terriens. Le droit des peuples autochtones à un territoire est même remis en question par des interprétations controversées du soi-disant Marco Temporal. 

La violence grandissante dans le Mato Grosso do Sul contre les peuples autochtones appelle de toute urgence à des enquêtes indépendantes, effectives et sérieuses sur les crimes commis contre les Guarani et  Kaiowá. Selon le CIMI, 92 leaders autochtones  Guarani et  Kaiowá ont été assassinés et ce seulement en 2007. Or, ce nombre n'a cessé de croître, jusqu'à atteindre celui de 138 assassinats en 2014. Actuellement, le Mato Grosso do Sul compte le plus grand nombre de morts au Brésil au sein des peuples autochtones, dont les droits sont d'autant plus menacés depuis la crise politique que traverse le pays

Pour des questions liées aux médias et toute question relative aux activités, vous pouvez contacter delrey[at]fian.org