English Version | Ver en español

Travailleurs indiens de l’industrie du thé, une vie sans dignité

À l’occasion de la Journée internationale du travail, le Réseau mondial pour le droit à l’alimentation et à la nutrition (GNRTFN) publie son rapport sur les conditions de travail et de vie des travailleurs et travailleuses des plantations de thé dans l’Assam et le Bengale occidental, deux régions productrices de thé en Inde.

Basé sur une mission d’enquête internationale indépendante du GNRTFN, A Life without dignity – the price of your cup of tea ("Une vie sans dignité – le prix de votre tasse de thé") révèle les violations et les abus de droits humains, en particulier du droit à une alimentation adéquate et à la nutrition et d’autres droits connexes, que les travailleurs et travailleuses des plantations de thé endurent en Inde depuis des générations. Ce rapport est l’aboutissement de plusieurs années de travail de deux des membres du Réseau GNRTFN, l’Union Internationale des Travailleurs de l'Alimentation (UITA) et la Right to Food Campaign, campagne en faveur du droit à l’alimentation, en Inde.

L’enquête révèle que les travailleurs de l’industrie du thé ne perçoivent pas des salaires décents et travaillent dans des conditions extrêmement difficiles et éprouvantes. Dépourvus d’équipement de protection, ceux qui traitent les théiers sont régulièrement exposés aux pesticides. Les femmes cueilleuses de thé - environ la moitié de la main d’œuvre – souffrent de violations de leurs droits humains. En règle générale, les travailleuses des plantations ne jouissent d’aucun de leurs droits ni d’aucune disposition relatifs à la protection de la maternité et souffrent de discrimination généralisée au travail ; elles perçoivent des salaires inférieurs à ceux des hommes et elles ont peu, voire aucune, possibilité d’être promues. Ces violations au travail sont également aggravées par les violations constantes de droits humains dont elles sont victimes de par leurs conditions de vie en général. 

En vertu du Plantation Labour Act (PLA), la loi sur le travail dans les plantations, les propriétaires des plantations de thé sont tenus de fournir à leurs travailleurs et travailleuses ainsi qu’à leurs familles les besoins fondamentaux, dont l’eau potable, les soins de santé, l’éducation et le logement. La réalité est tout autre. Les habitations des travailleurs et travailleuses, vétustes, n’ont ni eau courante ni équipement sanitaire et leurs enfants n’ont pas accès à une éducation convenable. Les familles qui veulent éviter à leurs enfants de vivre dans les mêmes conditions de vie que les générations actuelle et précédentes ont du mal à leur offrir une éducation digne de ce nom. Les parents rencontrent généralement des barrières énormes à chaque stade de croissance de leurs enfants. Les soins de santé et les médicaments ne sont accessibles ni physiquement ni financièrement, à l’instar des besoins vitaux comme l’eau, l’assainissement ou l’électricité.
 
Parce qu’ils n’ont aucune sécurité d’occupation de leur logement, aucun droit légal sur leurs habitations et sur la terre, les travailleurs et travailleuses se retrouvent dans un état de dépendance continue aux plantations. Leurs employeurs ont le pouvoir d’expulser quiconque est actuellement sans emploi. Travailleurs et travailleuses, surtout ces dernières, se voient dès lors contraints de travailler pour des salaires de misère afin de garder un pied dans la seule maison qu’ils ou elles possèdent, ayant perdu tout lien avec leur patrie d’origine au fil de ces 200 dernières années. Les travailleurs et travailleuses continuent ainsi de travailler dans un état de servitude, tétanisés par l’idée de s’organiser et de lutter pour de meilleures conditions de travail, toute protestation pouvant mener à l’expulsion et à la perte de leur domicile.
 
En adoptant le Plantation Labour Act, le Gouvernement indien a formalisé un système qui rendait travailleurs et travailleuses totalement dépendants des plantations de thé. Cette dépendance est d’autant plus criante et préjudiciable lorsqu’une plantation ferme – comme c’est le cas au Bengale occidental. Sans aucune épargne ni endroit où aller, les travailleurs du thé sont contraints de prendre des mesures drastiques pour survivre et il arrive que certains d’entre eux, soumis à des conditions extrêmes, meurent de faim.  

Parmi ses principales recommandations, le Réseau GNRTFN appelle l’Etat indien à prendre immédiatement des mesures pour garantir les droits humains de tous les travailleurs et travailleuses de l’industrie du thé, particulièrement le droit à l’alimentation et à la nutrition, au logement, à l’eau, à l’assainissement et à l’éducation, conformément aux législations internationale et nationale et ce, en étroite consultation avec les travailleurs et travailleuses concernés. Toute décision relative à l’avenir des plantations de thé, y compris portant sur des alternatives structurelles, devrait être prise en concertation avec les travailleurs et travailleuses et ce, pendant tout le processus décisionnel. Conscient de l’impact de la fermeture des plantations sur les vies des travailleurs et travailleuses et de leurs familles, le Réseau exhorte l’Etat indien à traiter d’urgence la situation et à adopter les mesures qui s’imposent. 

Vous pouvez trouver le rapport ici (en anglais, et mise à jour en juin 2016) 

NOTES AUX ÉDITEURS:

 

  • La mission d’enquête a eu lieu dans les plantations de thé de l’Assam et du Bengale occidental entre les 27 novembre et 04 décembre 2015. Les résultats préliminaires de l’enquête ont été présentés dans deux conférences de presse, à Kolkota et New Delhi. 
  • Le Réseau GNRTFN est une initiative d’organisations de la société civile et de mouvements sociaux (de paysans/nes, pêcheurs/ses, sans-terre, consommateurs/trices, de personnes urbaines vivant en situation de pauvreté, de travailleurs/ses des secteurs de l’agriculture et de l’alimentation, de femmes, de jeunes, de peuples indigènes) conscients de la nécessité d’agir ensemble pour la réalisation du droit à l’alimentation et à la nutrition. 

 

Pour plus d’information sur la mission d’enquête, vous pouvez contacter